Communauté

Les Vélos du cœur pédalent solidaire

Né d’un élan spontané pendant la crise du coronavirus, le collectif des Vélos du cœur sillonne la ville pour livrer à manger aux plus démunis. Les étudiants sont nombreux dans leurs rangs. Mais aussi parmi leurs bénéficiaires. 

Vendredi 5 juin. Au pied des marches de l’église du Christ ressuscité et du centre Bernanos voisin, la distribution s’organise. Au sol, une mer de cabas dans lesquels sont répartis denrées non périssables – boites de conserve, pâtes et riz, paquets de céréales – mais aussi quelques fruits et légumes frais, mangues, oranges.

« Il faut 87 colis, un sac pour les familles de deux personnes, deux pour celles plus nombreuses », dirige Paul, alias Pablo Fernandez sur Facebook. Vêtu d’un caleçon de cycliste, un masque en tissu sur le visage, c’est lui qui est l’origine de la mobilisation spontanée des Vélos du cœur, qui a pris de l’ampleur depuis les réseaux sociaux.

Malgré quelques hésitations et tâtonnements dans l’organisation, les jeunes venus avec de grands sacs à dos et leur vélo – deux en voiture – donner de bon cœur de leur temps, attendent patiemment. Pour la plupart, c’est leur premier contact avec le bénévolat. Tous racontent avoir voulu « aider, faire quelque chose pendant le confinement » qui les a laissés un peu désœuvrés. « J’ai cherché sur Facebook et je suis tombée sur cette initiative », témoigne Charlotte, venue prêter main-forte dès la levée du confinement. David, étudiant en droit, a lui repéré le mouvement sur Instagram.

Au départ, « deux tacos, trois kebabs »

Cette distribution de colis alimentaires, en journée, c’est « seulement la deuxième », explique Pablo. En plein cœur du confinement, les Vélos du cœur ont plutôt pris l’habitude de s’organiser le soir en « maraudes », selon le terme consacré des associations dont certaines avaient alors déserté la ville.

Le 24 mars, « je livrais des repas à vélo, c’est mon job étudiant, se remémore Pablo. J'ai été très touché par la grande détresse des personnes à la rue, encore plus livrées à elles-mêmes que d'habitude. Je ne pouvais pas ne rien faire. » Il lance un appel sur Facebook, qui fonctionne au-delà de ses espérances. « Ça a commencé par la livraison de deux tacos et trois kebabs, donnés par des restaurateurs. » 48 heures et une autorisation de circuler délivrée par la mairie plus tard, le mouvement est lancé.
Pour Pablo, jeune professeur de philosophie, qui ne s’est jamais frotté au milieu du bénévolat, tout est à découvrir : organisation des maraudes, démarchage des restaurateurs… Grâce au bouche-à-oreille digital et viral, les livreurs des débuts ont cédé la place aux lycéens. Une quarantaine de cyclistes sont régulièrement mobilisés, « quinze à vingt à chaque action ». De nouveaux viennent régulièrement prêter main-forte, comme Simon aujourd’hui.

Les Vélos du cœur fonctionnent grâce aux dons alimentaires de magasins et de restaurants. Mais aussi grâce à la bonne volonté de cuisiniers amateurs, qui transforment les produits chez eux. « 5 500 repas ont été confectionnés et livrés pendant le confinement, essentiellement à des personnes en grande précarité, relogées temporairement dans quatre hôtels. »

Distribution pour les étudiants

L’action des Vélos du cœur organisée le 5 juin se double d’une distribution alimentaire organisée spécifiquement pour les étudiants. Sous le porche de l’église, la file s’allonge pour recevoir, sur simple présentation d’un justificatif, les colis alimentaires préparés et distribués avec le Secours populaire. « Avec l’explosion du nombre d’étudiants en difficulté pendant la crise, on a voulu organiser quelque chose de spécifique pour eux, explique Camille Vega, secrétaire général Bas-Rhin de l’association La main tendue. Les Vélos du cœur sont tombés à pic. » La fraîcheur, la motivation et la flexibilité des personnes que fédèrent ces derniers complète parfaitement les forces d’une association au fort réseau et très bien implantée et identifiée dans le paysage strasbourgeois. « Les étudiants auront aussi sans doute moins de réticences à venir à une telle distribution que dans nos locaux. » Le lieu, en effet, n’a pas été choisi par hasard, à deux pas de la cité U Paul-Appell et du campus.

Reste à savoir si ce nouvel élan sincère solidaire va durer dans le temps. « A la rentrée, j’entame des études de médecine, alors je n’aurai plus trop de temps pour m’investir », estime Morgane, qui pédale très régulièrement avec les Vélos du cœur. L’afflux de sang neuf à chaque nouvelle action semble un signe positif. Et depuis que la ville a repris la main pour la distribution de repas chauds, en mai, les actions des Vélos du cœur se sont diversifiées : aide aux étudiants, mais aussi distributions de vêtements et de produits d'hygiène. Une chose est sûre : les besoins sont là…

E. C.

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