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Le pass Culture, sésame à parfaire

Un crédit de 500 €, à utiliser pour des concerts, spectacles, livres, jeux vidéo… A priori, que du positif pour les jeunes de 18 ans bénéficiaires du pass Culture ! Mais le dispositif, expérimenté cette année dans le département, n’est pas exempt de limites et défauts. Le point à l’occasion du premier bilan et alors qu’il va être étendu à tous les jeunes majeurs.

« J’ai décidé de rationner un peu mon crédit ! » Début mai, il restait à Lili-Jade 398 €, sur les 500 reçus trois mois plus tôt. Comment l’étudiante de 18 ans les as-t-elle dépensés ? « Surtout en livres », à l’image des « biens culturels » que plébiscitent les jeunes Français retenus, parmi une cohorte de volontaires, pour tester le pass Culture.
Lili-Jade apprécie son interface : une application sur smartphone, recensant par géolocalisation les propositions culturelles autour de soi. L’occasion de belles découvertes, comme la librairie strasbourgeoise La Tache Noire, spécialisée dans le polar. « Grâce à l’argent à ma disposition, j’ai pu m’offrir des beaux livres, que je n’aurais jamais pu me payer sinon ! »

Eric Schultz, gérant de cette librairie, acquiesce à la promesse du pass Culture faite aux acteurs culturels d’une meilleure visibilité : « En choisissant quels livres on propose sur l’application, on joue à plein notre rôle de prescripteurs. Des jeunes poussent notre porte, en attente de conseils, on peut tisser des liens privilégiés. » Au lancement du pass, pourtant, il reconnaît avoir été « sceptique ». Et il n’était pas le seul. En cause : la logique consumériste de la formule. Les concepteurs du pass, porté par le ministère de la Culture, ont tôt fait d’anticiper la critique, plafonnant les dépenses : 200 € pour les biens culturels (livres, jeux vidéo), même montant pour les biens numériques (abonnements, musique en ligne). Des critiques demeurent toutefois : la présentation façon « appli de rencontre », valorisant la photo associée à quelques mots-clés, qui favoriserait certaines propositions par rapport à d’autres.

Le spectacle vivant, parent pauvre

Sur les 989 jeunes ayant activé et utilisé leur pass (34 % des volontaires de départ), près de la moitié (47 %) ont dépensé cet argent dans des livres*. Dans cette répartition, le spectacle vivant semble être le parent pauvre, avec seulement 2,6 % des réservations le concernant. Un chiffre pouvant s’expliquer par le montant généralement plus élevé des biens culturels que des spectacles… Exemple avec les propositions du Service universitaire de l’action culturelle (Suac), dont certaines ont été communiquées sur la plateforme du pass Culture : toutes sont gratuites.

L’ambition première du pass de diversifier les pratiques des jeunes ne semble donc pas pour le moment atteinte. Lili-Jade, en licence 1 Arts du spectacle, appartient ainsi à la première catégorie d’utilisateurs répertoriée : les « très actifs » sont 45 % et utilisent leur pass pour diversifier des pratiques déjà existantes. Dans le cas de Lili-Jade, « le polar et un concert de rap bruxellois ». Autres profils types : les « peu actifs » (40 % avec 15 € de dépensés en moyenne) et les « dépensiers » (15 %, 79 € de dépenses en moyenne pour deux réservations). Dans cette dernière, beaucoup d’achats de billets pour des festivals. « Certes, les jeunes les ont toujours plébiscités, mais tous ne pouvaient pas se les offrir, ce que permet le pass », nuance-t-on du côté de l’équipe qui en a la charge.

Défi

Au Théâtre national de Strasbourg (TNS), on confirme une intuition remontée très tôt par les partenaires culturels : « D’un côté, quelques jeunes habitués auxquels le pass permet de revenir plus souvent. De l’autre, tout un public éloigné de la culture, difficile à atteindre, qui ne viendra pas sans actions de médiation. » C’est là que semble résider le plus gros défi du pass Culture. Ses porteurs en ont conscience, qui mettent en place des partenariats avec Pôle emploi pour surmonter « la barrière de la légitimité », et imaginent des solutions pour rejoindre les événements éloignés, comme des groupes à vélo pour rejoindre Jazz à Wolfi.

Des espoirs sont placés dans la reprise des cours pratiques (musique, dessin, danse…) à la rentrée, encore peu réservés par les jeunes, ou encore la création d’une offre duo, pour réserver une offre pour deux : « On préfère venir à un événement accompagné que seul, et ce n’est pas encore possible ». Dans cet esprit, des groupes ont été créés sur Whatsapp pour fédérer les participants à un même événement. Toute proposition d’amélioration de la part des jeunes est la bienvenue : le dispositif n'en est encore qu'au stade de l'expérimentation !

  • A la rentrée 2019-2020 : extension du pass Culture à tous les jeunes de 18 ans du département du Bas-Rhin, soit 17 000 bénéficiaires potentiels (pré-inscription en ligne)

Elsa Collobert

* Chiffres similaires au niveau national

Information importante

L’écueil de la Carte culture

En Alsace, l’un des cinq départements choisis pour l’expérimentation du dispositif (avec le Finistère, la Seine-Saint-Denis, l’Hérault et la Guyane), une difficulté s’est faite jour dès le début : celle de l’articulation avec la Carte culture.

Existant depuis 1992, celle-ci a fait ses preuves, permettant aux étudiants de bénéficier d’un tarif unique de 6 € pour les spectacles, cinéma, concerts… Le dispositif continuant d’exister (sans le support physique de la carte), avec toutes les difficultés de communication et de compréhension qui s’ensuivent, un casse-tête de tarifs ne pouvait manquer de se poser. Exemple : dans un souci de simplification, un seul tarif est proposé sur le pass Culture. On a donc un spectacle au TNS au tarif unique de 15 €… accessible pour 6 € aux porteurs de la Carte culture (tous les étudiants désormais, par le biais de la Contribution vie étudiante et de campus-CVEC). Résultats : nombreux sont ceux qui préfèrent faire valoir leur Carte culture plutôt que leur pass…

Cette situation spécifique n’ayant toujours pas trouvé de résolution, une demande de renouvellement de la convention la liant au ministère sur cette question a été adressée par l’Université de Strasbourg. A suivre…

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