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« L’université est un excellent investissement… à long terme »

L’université rapporte. On s’en doutait, un récent rapport commandé par la Leru (League of european research universities)1, dont fait partie l’Université de Strasbourg, le confirme. D’un euro investi dans l’institution découlent quatre euros dans l’économie réelle, chiffre le cabinet Biggar2, qui a conduit l’étude. Explications et mise au point avec Alain Beretz, président de la Leru, et l’économiste Patrick Llerena, professeur d’économie à l’Université de Strasbourg et chercheur au Bureau d'économie théorique et appliquée (Beta).

Avant toute chose, comment en arrive-t-on à ce résultat de quatre euros réinjectés dans l’économie réelle pour un euro investi dans l’université ?

Alain Beretz – Cette plus-value est estimée en mesurant l’impact économique de différents éléments constitutifs de l’université de recherche, et en considérant leur importance relative. Naturellement, hommes politiques et grand public l’associent à la valorisation de la recherche (contrats et transfert de technologie), souvent exclusivement. L’étude Biggar a le mérite d’aller beaucoup plus loin : elle montre par exemple qu’en France, la prime au diplôme, c’est-à-dire le salaire supplémentaire qu’obtient un diplômé de l’Université de Strasbourg, compte autant pour l’économie que le nombre et la valeur des contrats signés par l’université avec des industries (25 %). Sans négliger l’impact de l’université comme acteur économique direct, employeur, loueur, acteur de la commande publique (35 %) ; mais aussi des étudiants comme acteurs économiques, qui payent des loyers, sortent, travaillent (15 %) ou encore celui des mobilités, congrès, retour des étudiants chez eux et visites de leurs proches (1 %).

Patrick Llerena – Cette évaluation est intéressante car elle aborde la question par le versant qualitatif et montre la multiplicité des canaux d’irrigation de l’université vers l’économie réelle. Plus que le ratio de 1 à 4, c’est davantage cet aspect de l’étude qu’il faut retenir.

 La contribution des universités de la Leru à l’économie européenne

Source : cabinet Biggar pour la Leru (League of european research universities)

Quel est l’intérêt, pour la Leru, de conduire une telle étude ?

AB – La Leru espère avant tout que cette étude va l’aider dans sa lutte contre les idées reçues négatives qui qualifient les universités de recherche. En France, les élites, davantage issues du sérail des grandes écoles que des labos de recherche, ont trop souvent tendance à opposer les universités de recherche fondamentale, prétendument improductives, aux universités technologiques, grandes écoles et écoles d’ingénieur, qui afficheraient une retombée économique directe, lisible. Cette étude vient nous conforter dans l’idée que les universités de recherche rapportent tout autant. Il faut savoir que les chercheurs qui publient le plus sont aussi ceux qui déposent le plus de brevets !

PL – Cette étude conforte également l’impact des universités de recherche en termes d’image et d’attractivité pour la ville et la région de Strasbourg. Comment attirer des décideurs et des cadres, français, mais aussi anglais, allemands, suisses, en province ? Parmi les facteurs de choix figurent en bonne place les perspectives offertes aux enfants, notamment en termes d’éducation, y compris l’enseignement supérieur.

Pour quel impact espéré sur les politiques publiques ?

AB – Grâce aux résultats de cette étude, nous espérons influencer positivement les trois niveaux des politiques publiques : européen, national et local. Elle nous permet d’envoyer un message fort à l’Union européenne, qui proposait récemment de prendre une partie des sources de financement de la recherche fondamentale à l’horizon 2020 pour financer le plan Juncker. Nous disons que c’est une erreur stratégique.
Plus largement, il s’agit simplement de rappeler, d’autant plus en période de restriction budgétaire, que l’université n’est pas une dépense mais un investissement. Simplement, c’est un investissement à très long terme…

PL –C’est d’ailleurs l’un des problèmes de compréhension de la société vis-à-vis des enjeux de l’université : cette relation au temps long. L’université court un marathon, pas un sprint ! C’est d’ailleurs pour cela qu’on ne peut pas imaginer qu’elle soit trop dépendante de fonds privés pour exister : en effet, seule la puissance publique peut investir dans le temps long de l’université, et seule la puissance publique peut investir dans une domaine où c’est toute la société qui profitera du retour sur investissement.

Pour autant, cette étude ne dit pas tout de l’interaction entre l’université et la société dans laquelle elle s’inscrit ?

PL – Il est vrai que ce n’est pas sa vocation, mais elle ne prend pas en compte la qualité de l’enseignement ou encore de l’insertion des étudiants dans l’économie. Elle est également limitée quant à son échelle : l’impact évalué est européen, mais au-delà, l’université investit dans des équipements de pointe pour la recherche, ordinateurs, microscopes…, avec des partenaires industriels internationaux. Le lien entre économie et recherche est beaucoup plus complexe qu’on ne le croit. Et l’étude Biggar n’est que la première étape pour mieux comprendre ce processus. Il faut donc continuer, et aller plus loin, sur le fond et dans la durée.

Recueilli par Caroline Laplane et Elsa Collobert

1 Financée en partie par des fonds Idex

2 Les 21 universités européennes membres de la Leru ont choisi, pour évaluer leur impact sur l’économie réelle, le cabinet privé écossais Biggar, réputé pour son expertise dans le domaine de l’enseignement supérieur, avec déjà une quinzaine d’universités européennes passées à la loupe.

Consulter le rapport Biggar

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L'université se tient prête à accueillir ses premiers étudiants-réfugiés

La tradition d'accueil de l'Université de Strasbourg a une nouvelle fois trouvé une traduction concrète. Dans le sillage de la lettre dans laquelle Alain Beretz s'associe à la main tendue de la Ville de Strasbourg aux réfugiés du Proche-Orient, une cellule de veille active s'est mise en place.

Français langue étrangère (Fle), médecine préventive, associations étudiantes de solidarité, Espace avenir, Crous... Autant de parties prenantes et de partenaires de l’université en première ligne lorsqu'il s'agira d'accueillir, d'orienter et de venir en aide aux étudiants-réfugiés du Proche-Orient auxquels l'Unistra, par la voix de son président, a offert son hospitalité.
Pour le moment, aucun chiffre précis quant au nombre de personnes ou même quant à un éventuel calendrier. “L'idée est de se tenir prêt, explique Mathieu Schneider, vice-président Sciences en société et coordinateur du mouvement, aux représentants de tous ces services réunis lundi 14 septembre autour d'une table. Tout peut arriver très vite.”

La réunion fait suite à la lettre adressée par le président de l’Université de Strasbourg au maire de la ville, jeudi 10 septembre. Dans ce courrier, Alain Beretz écrit à Roland Ries, au sujet des enfants de réfugiés : “La ville les accueille ; nous les formons”.
« L’accueil d’étudiants étrangers est une fierté, mais aussi un devoir », tient à rappeler, de vive voix cette fois, le président de l’Unistra, qui accueille déjà pas moins de 20 % d’étudiants étrangers. Une proportion significative dans le paysage universitaire français. « Former des étudiants étrangers, c’est participer à la fois à l’aide au développement, au progrès économique et social et à l’enracinement de la démocratie dans des pays qui en ont besoin. » Déjà, l’université a tendu la main aux victimes des séismes de L’Aquila, en Italie, en 2009, et en Haïti, en 2010. Et cinquante Syriens sont inscrits à l’université depuis l’année dernière.

Exonération des frais d’inscription

« Le terme le plus exact pour qualifier cette cellule de coordination mise en place depuis quinze jours, c'est celui de “veille active” », tient à préciser Quentin Menigoz, homologue de Mathieu Schneider en charge de la vie universitaire.
La question cruciale est d’abord celle de la langue. « Nous serons face à des personnes qui n’auront pas forcément choisi de venir en France et donc ne parleront pas forcément français », rappelle Mathieu Schneider. D’entrée de jeu, des bonnes volontés se sont fait connaître parmi les enseignants et étudiants du Master Français langue étrangère (Fle) et de l’IIEF (Institut international d’études françaises). « Les besoins en langue concernent le Fle, mais aussi le Fli (Français langue d’intégration), pour donner à ces personnes des perspectives de réussite scolaire et sociale », poursuit le vice-président Sciences en société. « Nous nous engageons de notre côté à donner accès à 25 étudiants-réfugiés à des cours de français, en les exonérant des frais d'inscription* », ajoute Liliane Koecher, de l’IIEF. Mais il faut aussi des personnes arabophones ; quelques étudiants ont déjà spontanément proposé leur aide, mais toutes les bonnes volontés sont les bienvenues (contact).
« Dans le même esprit, Service de la vie universitaire (SVU) et Direction des relations internationales (Dri) ont travaillé à la mise en place d’un guichet d’accueil commun, au rez-de-chaussée du Platane (allée Capitant), ajoute Mathieu Schneider. Toutes les questions pratiques concernant la vie étudiante pourront y être aiguillées. »

L'exonération des droits d'inscription pour les étudiants-réfugiés, autre point urgent, a été votée par la Commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU) au lendemain de la réunion de coordination, puis entérinée en conseil d’administration, mardi 22 septembre.

“Pour le moment, le système le plus prompt à se déclencher est celui de la solidarité étudiante”, ajoute Quentin Menigoz. Le principe d’un parrainage d'étudiants-réfugiés par leurs pairs strasbourgeois, “comme cela se fait déjà pour les étudiants Erasmus”, a d'ores et déjà été adopté spontanément par les associations étudiantes impliquées dans le processus, Afges et Unef en tête. Banque alimentaire et épicerie sociale et solidaire sont aussi dans les starting-blocks. “Pour le moment, Agoraé, l'épicerie sociale et solidaire, vient en aide à une centaine d'étudiants. Ce chiffre peut encore intégrer cinquante bénéficiaires supplémentaires sans trop de difficultés”, complète Tommy Veyrat, représentant de l'Afges.
Les relais sont définis et le chemin balisé, il ne reste plus qu’à attendre les premiers étudiants-réfugiés.

Elsa Collobert

Pour aller plus loin : L'analyse de Quentin Urban, directeur de l’Institut d’études judiciaires (IEJ) de l’Université de Strasbourg et du festival « Justice en Cultures »

* L'IIEF, qui fonctionne avec un budget autonome, applique des droits d'inscription de 2 350 € l'année, plus les frais liés à la carte d'étudiant.

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Dans le nouveau parc de l'université on lit, on étudie, on vit

Inauguré jeudi 17 septembre, le parc de l'université “vert et ouvert” est d'ores et déjà un lieu de vie, adopté par ses usagers, adapté à de multiples rythmes (à pied, à vélo) et usages (culture, détente, travail).

En ce vendredi matin ensoleillée, Marcelle et ses petites-filles tirent la laisse de leurs trois chiens, à deux pas du Nouveau patio, le bâtiment qui abrite les services de la présidence de l'Université de Strasbourg. Une scène impensable il y a encore deux ans*.

Au terme de vingt-quatre mois de travaux, “supportés avec patience et sérénité par les usagers du campus”, a souligné Alain Beretz lors de son inauguration, les places de parking de la rue René-Descartes ont laissé place à des bancs et des chaises en fer forgé. Le parvis de la Faculté de droit a troqué ses pavés rouges contre de grandes étendues vertes et les pelouses sont constellées d’arbres et de plantations.

“C'est mieux qu'avant !” s'enthousiasment Meyssam et Hannah, qui retrouvent le campus en Licence 2 LLCE anglais (Langues, littératures et civilisations étrangères). “En cours, on est enfermés dans des bâtiments. Quand on sort, ça fait du bien d'avoir ce coin de nature en ville !” Avec leurs camarades de promo, ils en profitent pour pique-niquer sur la pelouse.

Amener la nature en ville : précisément, l'un des objectifs du Plan campus, initié en 2010, dans lequel s'inscrit la reconfiguration du parc. Une portion de travaux “entièrement financée par l'Etat”, a rappelé Philippe Richert, président du conseil régional d’Alsace, le jour de l’inauguration.
Autre ambition : unifier un ensemble de bâtiments disparates, construits au fil des époques sans réelle cohérence. Michel Humm, professeur en histoire romaine et habitué du campus, approuve : “Cette unification du paysage est un double symbole : celui de la réunion des trois universités, en 2009, et le dépassement des divisions entre composantes. Autour de cette agora s’articulent des disciplines aussi diverses que le droit, les sciences sociales, les mathématiques, la biologie moléculaire ou encore la bibliothèque U2-U3.”

Pétanque, pique-nique et amoureux

Sur le plan des aménagements, les usagers quotidiens et de passage sont formels : c'est le jour et la nuit ! La nuit d'ailleurs, “c'est simple : on n'y venait jamais avant, se souvient Pierre Filliquet. Mal éclairé, mal fréquenté...” Le photographe a été, pendant deux ans, un observateur privilégié de la mue de cet espace stratégique. “Je connaissais ce parc lorsque j’étais étudiant aux Arts déco voisins. Au fil de mes prises de vues, j'ai noté l'appropriation progressive du parc par ses usagers. Le week-end, pendant les vacances, des familles viennent pique-niquer, des amoureux s’installent sur les bancs, on y joue aux boules ! ” On ne faisait qu’y passer, hier ; aujourd’hui, on reste. Parce que ce lieu est ouvert sur la cité, il n'a pas vocation à accueillir seulement personnels et étudiants de l’Unistra : pour cette raison, plusieurs manifestations culturelles y sont d'ores et déjà programmées (résidence Ososphère en novembre, installation du Métakiosque au printemps...)

« Cette appropriation du parc, elle va se poursuivre, anticipe Agnès Daval, paysagiste en charge de la conception du parc au sein de l'agence Digital paysage. Les lignes courbes du sol en gravier peuvent encore bouger, au gré de la croissance de graines tombées des arbres et apportées par des oiseaux, de la pousse des vivaces et des arbres et des cheminements qui se dessineront en travers des pelouses (certains apparaissent déjà).
Car, comme l'a rappelé Alain Beretz, le temps long de la biodiversité est au diapason des rythmes de la connaissance et de l'université. Et quel meilleur geste inaugural que la plantation des graines du savoir, sous un temps pluvieux “idéal”, pour matérialiser ce symbole ?

E. C.

* Le ramassage des déjections canines fait partie d'un ensemble de règles édictées par l'Université dans un règlement du parc, affiché en plusieurs endroits.

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Inauguration du parc de l’université en vidéo

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Inauguration du parc en images

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À découvrir au gré des campus : le journal/affiche Campus

Confrontée dès 2013 à la reconfiguration du parc du campus central, l’Université de Strasbourg a, par le biais de son Service de l’action culturelle, commandé à Pierre Filliquet une série de photographies destinées à accompagner le chantier. Il n’était pas question de documenter les travaux mais bien plus d’explorer ce lieu en devenir en y portant un regard autre, résolument artistique.

Ces deux dernières années, Pierre Filliquet s’est ainsi déplacé à Strasbourg sans calendrier précis. Il prenait le temps, pouvait décider de rester ou de repartir – question de météo, d’humeur ou de conjonctures… L’artiste photographe n’est pas un puriste de l’appareil : il aime jouer avec les négatifs, les images. Il réfléchit, veut voir ce que cela donne.

Une fois la résidence achevée, Pierre Filliquet décide, pour rendre publique son enquête, de travailler avec Claude Grétillat, un graphiste de l’Atelier Post4. Tous deux imaginent un objet graphique où les pistes premières sont brouillées : affiche-journal, magazine ludique où l’on découvre à la manière d’un puzzle comment les pièces s’imbriquent. Pour ceux qui connaissent les lieux, la magie vient de la surprise de voir autrement un espace pourtant fréquenté quotidiennement. Pour les autres, ce sont des images qui subliment une réalité. Pour l’Université de Strasbourg, c’est un engagement : affirmer sa place dans la cité et fédérer par un geste artistique une communauté.

Sylvain Diaz, Directeur du Service universitaire d'action culturelle

Le journal-affiche Campus est initié et édité par l'Université de Strasbourg - Service universitaire de l'action culturelle - avec le soutien des Investissements d'avenir. C'est une œuvre photographique diffusée gratuitement un peu partout sur le campus et à Strasbourg, ou livrée sur demande.

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